Gabrielle Haardt (Paris 1917, Bruxelles 2004)
Gabrielle Haardt vers 1958 sur le balcon de son appartement avenue de la Floride à Bruxelles
1917
11 juillet : naissance à Paris de Gabrielle Haardt.
Son père, Marcel Haardt, qui a 27 ans, est en sursis d’appel depuis sa blessure en 1915 dans le corps des autos-canons mitrailleuses de l’Armée belge. Il travaille à Paris en qualité d’ingénieur industriel dans l’usine d’obus du quai de Javel, dirigée son frère, Georges-Marie Haardt, le bras droit d’André Citroën, mais il rêve de se consacrer entièrement à la peinture, sa véritable vocation. Il vit au 48 rue Boileau avec son épouse, Henriette Simpson, et fréquente la Société des jeunes artistes.
Dès la fin de la guerre, il expose au Salon des Indépendants et participe à plusieurs expositions collectives à Paris dans la Galerie Henri Manuel, rue du Faubourg Montmartre, ce qui lui vaut d’être publié dans la Revue moderne des arts et de la vie.
Il s’inscrit dans la section architecture à l’Académie de Bruxelles, mais peu après, il décide de quitter la Belgique pour rejoindre Paris.
Marcel et Hanriette Haardt et leur fille Gabrielle. Marcel Haardt en 1914.
Marcel Haardt, huiles sur toiles.
En haut, de gauche à droite et de haut en bas: Femmes au lavoir, Péniches, Charrette, Port fluvial.
Ci-dessous: Toits, Bois., Nature morte.
1922
Tandis que son frère Georges-Marie prépare la première traversée du Sahara en automobile avec André Citroën, Marcel Haardt part vivre en Italie avec sa femme et sa fille Gabrielle qui a alors cinq ans.
Désargenté, il s’installe d’abord à Milan chez ses parents, Raffaele et « Mimie » Haardt (née Marie Goudstikker), qui sont nés en Belgique mais qui vivent depuis près de trente ans en Italie, où ils ont fondé la maison de couture et de fourrure, « Haardt et fils ».
Puis Marcel Haardt habite chez son deuxième frère, Edmond Haardt, qui travaille comme représentant de l’entreprise familiale, puis, enfin, il loue un appartement à Lambrugo, à une trentaine de kilomètres de Milan, près de Côme.
Gabrielle, qui va à l’école et qui accomplira tout son cursus primaire en Italie, s’attache profondément à la langue et à la culture italiennes. Elle se lie d’une amitié indéfectible avec son cousin Ruggero, son cadet d’un an, et intègre à jamais les secrets de l’élégance vestimentaire que lui transmettent ses grand-parents.
Ci-dessous: Mimie, Raffaele et Gabrielle Haardt
Ci-dessous: Marcel Haardt: Portrait de ma mère, Mimie Haardt, pastel, 1923.
Mais la grande affaire de Gabrielle Haardt pendant son enfance, puis son adolescence, est de d’écouter avec passion, comme toute sa famille, le récit des exploits que son oncle Georges, le principal soutien moral et financier de son père, réalise en Afrique puis en Asie pour André Citroën. D’octobre 1924 à juin 1925, elle suit comme un feuilleton, du haut de ses huit ans, les péripéties de la Croisière Noire et guette les lettres que Georges envoie à ses « chers parents » et à son « cher frère », et qui, toutes, se terminent par des baisers à sa « chère Gaby ».
Georges-Marie Haardt pendant l'expédition Citroën de la Croisière Noire.
Gabrielle voit peu son père, qui peine à subvenir au nécessaire comme représentant de produits français en Italie, qui ne cesse de voyager entre Paris, Milan et Lambruso tout en continuant à peindre, et dont la santé se dégrade. Il expose en décembre 1926 à la Galerie Jean Charpentier, rue du Faubourg St-Honoré à Paris, et en mai 1927 au Salon des Indépendants à Paris ainsi qu’au Salon de l’Union des artistes de Provence à Marseille.
Puis son état s’étant aggravé, il part se reposer dans une station climatique en Suisse, tandis que Gabrielle et sa mère quittent l’Italie pour s’installer à Bruxelles.
Ci-dessus: Gabrielle Haardt vers 1933.
1930-1935
Gabrielle, qui vit seule avec sa mère, Henriette Haardt, sténotypiste, poursuit ses études secondaires au lycée français de Bruxelles. Très affectée par la mort à Hong-Kong de son oncle Georges-Marie Haardt, le 16 mars 1932, à la suite d’une pneumonie contractée sur le chemin du retour de la Croisière jaune, elle lit beaucoup, découvre la poésie, et correspond avec son père, qui vit dans une maison de repos, son oncle Robert-Raphaël Haardt, qui illustre de nombreux livres et commence à exposer ses bois gravés, et son cousin Ruggero.
En haut à droite: Gravures de Robert-Raphaël Haardt. Ci-dessus: Ruggero et François Haardt, ses cousins.
Gabrielle Haardt pendant ses études d'infirmière.
1936-1939
À dix-neuf ans, elle décide de travailler.
Sans passer son baccalauréat, elle commence des études d’infirmière à l’Institut Édith Cavell. Elle reçoit son diplôme d’infirmière hospitalière en août 1938 et celui d’infirmière visiteuse en mars 1939.
Elle apprend la mort de son père à la suite d’une occlusion intestinale au moment où elle commence à gagner sa vie en faisant des visites à domicile à Bruxelles.
Ci-dessus, Marcel Haardt, Paysage, gouache sur papier.
1942 - 1944
Pendant la guerre, elle soigne à la clinique Edith Cavell, les blessés qui reviennent du front tandis que l’hécatombe se poursuit dans sa famille : son deuxième oncle Robert-Raphaël Haardt, engagé volontaire contre les Allemands, meurt au combat en 1942.
Pendant l’été de la même année, au cours d’un concert donné par le pianiste Naum Sluszny, elle rencontre Marcel Lambrichs, qui vient de s’évader d’un camp de prisonniers de guerre en Silésie où il a été déporté par les Allemands, et qui termine ses études d’architecture à l’Académie de Bruxelles, quand sa santé lui permet de sortir du sanatorium où il est soigné pour une tuberculose pulmonaire.
En compagnie de Marcel, qu’elle épouse le 18 juin 1943 et de son frère jumeau dont il est inséparable, l’écrivain Georges Lambrichs — qui sera engagé en 1944 par Vercors aux éditions de Minuit —, elle découvre tout le milieu littéraire et artistique proche des surréalistes belges et fréquente les nombreux amis des jumeaux, Marcel Lecomte, Jacques Muller et son épouse Madeleine Bourdhouxe, Jean Paulhan, René de Solier, Germaine Richier, Pïerre Klossowski, Jacques Kupissonof....
Gabrielle Haardt et Marcel Lambrichs rue des Deux Églises (en haut) et au sanatorium (en bas)
Naum Sluzsny, Gabrielle Haardt et Marcel Lambrichs
18 juin 1943, mariage Gabrielle Haardt et Marcel Lambrichs. De gauche à droite : la mère de Gabrielle, Henriette Simpson; Margot Lambrichs; Francine Périer; la mère de Marcel, Marguerite Lambrichs; Marcel et Gabrielle, Georges Lambrichs; Jean Périer; et le père de Marcel, l’architecte Charles Lambrichs),
1945 - 1959
Pendant l’immédiate après-guerre, Gabrielle Haardt et son mari habitent 12 rue des Deux Églises à Saint-Josse-ten-Node.
Elle commence à peindre tout en continuant à faire des gardes et en s’occupant de sa fille Colette, née le 16 août 1946, tandis que son époux travaille avec son père, l’architecte Charles Lambrichs.
Puis, en 1949, Marcel fonde sa propre agence d’architecture et remporte, deux ans plus tard, le concours du Palais du gouverneur général à Léopoldville (Kinshasa), premier jalon d’une importante carrière au Congo qu’il poursuivra jusqu’à l’indépendance, et qui lui donnera accès à la commande publique en Belgique. Il commencera la Cité administrative de Bruxelles en 1955.
Gabrielle Haardt, Le Bouquet orange, Les Bouteilles, et Flammes, huiles sur carton.
Marcel Lambrichs, Gabrielle Haardt et leur fille Colette.
Après la naissance de Anne, le 23 décembre 1954, la famille Lambrichs déménage pour habiter au 34 avenue de la Floride.
De gauche à droite, à l'avant plan, la grand-mère de Marcel, Marcel Lambrichs portant sur ses genoux sa nièce Nathalie , Henriette Haardt et sa petite-fille Colette Lambrichs; derrière: Gilberte Lambrichs et Gabrielle Haardt, octobre 1948.
1960 - 1969
Un tournant survient dans la vie de Gabrielle Haardt quand elle emménage avec son mari, ses deux enfants et sa mère, dans un vaste appartement, au 1er étage du 16a rue Émile Claus. Elle installe un atelier dans la cave de l’immeuble et commence la sculpture.
Transformé par Marcel — qui, préfigurant la mode des lofts, a complètement ouvert l’espace entre la rue et le jardin sur une profondeur de 16 m —, le salon de 120 m2 permet au couple d’organiser pendant plus de dix ans des « dimanches soirs » mémorables. Gabrielle fait le portrait des vieux amis qui s’y réunissent toutes les semaines, parmi lesquels Marcel Lecomte, René de Solier, Jacques Kupissonov, Jacques Muller, Naum et Esther Sluszny, Denise Bloch et son mari Jean, Janie et Pierre Mahillon, Jean-Pierre Paulus et son épouse, Guy et Joan Pevtchin... Mais elle façonne aussi le buste des quelques nouveaux amis fidèles qui consentent à poser pour elle parmi les nouveaux adeptes des soirées : le sculpteur Élisabeth Dewée, qui lui montre l’exemple, l’initie d’un point de vue technique et devient inséparable de la famille, Olga Tcherbatov, Nicolas et Friquette de Wrangel, Yvon et Monique Toussaint, Colette Bitker et Bob Kawan, Olivier Picard, René, Ghislaine et Isabelle Micha, Oscar Grunenwald, Jacques Quoidbach, Jacques Moeschael, Pierre Caille...
Autoportrait, crayon sur papier.
À droite, Gabrielle Haardt et Marcel Lambrichs vers 1960.
Elisabeth Dewée dans son atelier (en haut) et sculptant le portrait de Gabrielle Haardt en compagnie d'Olga Tcherbatov (en bas à gauche).
Elisabeth Dewée: Portraits de Anne (terre cuite), Marcel et Georges, Gabrielle (bronze).
Gabrielle poursuivra cet exercice durant quarante ans, chez elle, à Bruxelles, pendant ses vacances familiales ou ses voyages à l’étranger, trouvant dans cette pratique l’occasion d’établir une relation privilégiée avec son modèle. Comme devait le remarquer Nelly Van den Abeele, grande collectionneuse de bijoux en Belgique, Gabrielle Haardt avait l’habitude « de poser mille questions, ce qui lui permettait de ne répondre à aucune ».
Elle réalisera ainsi, au fil des années et au gré des rencontres, les portraits de Dominique Cape, un camarade de classe de Colette, de sa nièce Nathalie Lambrichs , du peintre Endre Rozsda, d’André Jaumotte, d’Illya Prigogine, de Marcel ainsi que plusieurs autoportraits...
Gabrielle Haardt commence aussi à sculpter au début des années 60 ses premières formes abstraites, qu’elle travaille d’abord en terre, puis en plâtre, puis qu’elle fait couler en bronze.
En haut à gauche: portrait de Dominique Cape, à droite, portrait d'Henriette Haardt.
En bas de gauche à droite: portraits de Henriette Haardt, Monique Toussaint, Jacques Quoidbach, Colette Lambrichs, Jacques Müller, autoportait, Denise Bloch et Antoinette Périer.
À gauche: portrait d'Endre Rozsda.
En bas: portraits de Nathalie Lambrichs et de Marcel Lecomte.
Gabrielle Haardt et le 1er portrait d'Illya Prigogine.
À gauche le 2ème portrait d'Illya Prigogine.
Deux portraits d'André Jaumotte.
Portrait de Marcel Lambrichs.
En haut: Gabrielle Haardt et son petit fils Jeronimo. Portrait de Jeronimo Vital.
En bas: portraits de Natalia et Sonia Vital